Souvent oubliés ou relégués au rang de simple détail, les gants font partie du quotidien vestimentaire depuis l’aube des temps, et se montrent indispensables à bien des égards. Apparus comme simple protection contre les éléments extérieurs, les gants ont progressivement endossé un rôle plus esthétique, avant de devenir un article revêtu d’une symbolique profonde.
De la simplicité à la sophistication – l’outil, l’ornement et le symbole
L’histoire du gant, accessoire pour mains très familier, est aussi longue que celle de l’Humanité. On en trouve de toutes sortes, et ils peuvent être faits à partir de divers matériaux tels que le cuir, les textiles, ou le latex.
Au départ, le gant est surtout un équipement de protection pour les mains. C’est plus tard, avec l’avènement de la mode, que les gants gagnent en esthétique et en sophistication, tandis que la richesse des matériaux et la complexité des ornements deviennent des indicateurs de rang social.
On prête de nombreuses caractéristiques symboliques aux gants, et ces derniers ont effectivement joué un rôle important dans les relations sociales et culturelles. De nos jours, ces valeurs se sont quelque peu perdues, bien qu’on les retrouve encore dans la langue : « prendre des gants » signifie que l’on fait quelque chose avec beaucoup d’attention et de retenue, « jeter le gant » est synonyme d’un défi lancé à autrui, tandis qu’ « aller comme un gant » décrit deux choses ou personnes qui correspondent parfaitement l’une à l’autre.
La genèse du gant
Dans les sociétés primitives, les gants avaient une fonction purement utilitaire : les agriculteurs, soldats et chasseurs les portaient pour se protéger du froid et de la rigueur. Ils étaient réalisés à partir de matériaux simples et abordables. Les plus anciens modèles ressemblaient davantage à des sacs enveloppant les mains, puis sont apparues les moufles avec une séparation pour le pouce, et finalement, au Moyen-Âge, on voit apparaître les mitaines, des gants – souvent en cuir – dont les doigts ne sont pas fermés.
Au XIIIe siècle, les gants deviennent un accessoire de mode et un article vestimentaire décoratif. Les femmes de la haute société se mettent à les porter, tout comme les seigneurs et hauts dignitaires religieux. Avec l’engouement qu’ils suscitent, leur cadence de production augmente également, et l’on voit apparaître des corporations de gantiers. On assiste également à la diversification des matières premières : au cuir viennent s’ajouter tissus de soie, satin, ou velours, et quelques siècles plus tard, les tricots. Le gant s’orne de broderies, perles et pierres précieuses. On se met également à le parfumer.
À ce sujet, une anecdote intéressante nous vient de la ville de Grasse (Alpes Maritimes), autrefois réputée pour ses teintureries à gants, qui fournissaient l’Europe entière.
À l’époque, on utilisait des colorants naturels dont l’urine, ce qui donnait au cuir une odeur désagréable. L’aristocratie s’en plaignait, tandis qu’un air nauséabond émanait du canal qui traversait la ville et qui servait d’égout… jusqu’au jour où un maître artisan local du nom de Galimard (fondateur de la parfumerie homonyme de renommée mondiale) eut l’idée de tremper ses créations dans des parfums éthériques. Il offrit une paire de gants parfumés à la reine Catherine de Médicis, qui en fit la promotion à la cour et leur attira la gloire dans le monde entier.
Ainsi, depuis le XVIe siècle, les gants sentent bon le parfum, tandis que la France est considérée comme la patrie des meilleurs gantiers au monde. Avec l’avènement de Napoléon Ier, l’art et le savoir-faire de la ganterie s’exportent dans toute l’Europe.
Le XXe siècle apporte nombre de bouleversements et de changements au plan sociétal, caractérisés entre autres par une simplification de la mode vestimentaire. Les gants délicats tombent presque dans l’oubli, avant que l’industrie contemporaine de la mode ne les ressuscite de nouveau.
Le gant – objet symbolique et instrument social
Dans le passé, on prêtait aux gants une importance de premier ordre, car celle ou celui qui les portait s’en servait pour divulguer ses intentions. Le gant pouvait aussi bien être vecteur d’affection (fidélité, amour, amitié, honneur, justice, paix…) que d’hostilité.
Un seigneur féodal qui remettait le gant à son vassal, lui octroyait ainsi de manière symbolique un droit, un titre, ou des pouvoirs. À l’inverse, on pouvait assister à des cérémonies de confiscation du gant, en signe de réprimande pour manque de loyauté, ou bien celui-ci pouvait être restitué pour marquer l’annulation d’un accord. À cette époque, tendre la main nue à quelqu’un était considéré comme un signe d’inimitié (alors que de nos jours, les règles de politesse veulent que l’on ôte les gants avant de se serrer la main).
Les hommes se provoquaient en duel en se lançant le gant à la figure, ou bien comble de l’insulte, en giflant l’adversaire avec celui-ci. Les dignitaires religieux portaient des gants symbolisant la pureté. Des gants en guise de cadeau représentaient les meilleurs vœux. On offrait également des gants à l’épouse si l’on venait demander un service particulier au mari. Un gant offert seul était un gage de fidélité entre deux amoureux, ou bien l’expression de l’affection et de la dévotion profondes qu’une jeune dame pouvait ressentir envers un jeune homme.
Le port de gants occupait un rôle pivotal parmi les règles de bonne conduite, reflétant le rang et la reconnaissance au plan social.
Recommandations et règles tacites guidaient les membres de la haute société dans leurs moindres faits et gestes, y compris dans la façon et la manière de porter les gants. Les garder à l’intérieur d’une église ou en présence d’un monarque était considéré comme un manque de respect. En revanche, il était considéré de bon ton pour une dame de porter ses gants en permanence, y compris au sein de sa demeure. En effet, la peau bronzée était considérée comme vulgaire. Même les bagues et bijoux étaient portés par-dessus les gants. Les hommes n’étaient pas en reste quand il s’agissait de règles de bienséance auxquelles ils étaient tenus d’adhérer. Ils devaient par exemple prêter attention au type de gants qu’ils allaient porter en fonction des activités qu’ils voulaient mener.
Les étoffes onéreuses et le fait de changer sa paire de gants plusieurs fois par jour étaient des indicateurs de la fortune et de la puissance de leurs propriétaires. Bien entendu, la plupart de ces normes sociales ont complètement disparu ou retombé au second plan au cours du XIXe siècle. De nos jours, la tradition du port des gants s’est maintenue à l’occasion d’évènements importants, tels que les visites à l’opéra, les mariages, les réceptions, ou lors de funérailles.
Un accessoire vestimentaire de première importance
Depuis toujours, les gants ont fidèlement suivi les courants de la mode, et ont fait partie de la tenue vestimentaire au sens complet. Profitant de l’évolution des tendances pour se perfectionner, se diversifier en termes de matériaux et de décors, ils se sont aussi enrichis de formes, coupes, et même de senteurs variées.
Tandis que les gants pour hommes étaient généralement courts, les modèles pour femme ont progressivement donné naissance aux variantes courtes, moyennes, et même aux gants longs à boutons, le tout en fonction de la longueur des manches.
Depuis la Renaissance, on veille à assortir les gants au sac et à la ceinture, et cette règle a perduré jusqu’à nos jours. Avec l’apparition des maisons de haute-couture au XIXe siècle, les gants font leur apparition dans les collections. Les traditions ancestrales et le savoir-faire de la ganterie de luxe sont ainsi préservés, tandis que de nombreux créateurs prestigieux ont fait du gant un objet de prédilection pour leurs réalisations.
Pour conclure, rappelons que Paris est un vrai paradis sur Terre quand il s’agit d’accessoires de mode. Il ne reste plus qu’à partir à la recherche des pépites rares : de fabuleux créateurs de mode encore peu connus, mais dont les œuvres sont une ode à la qualité, n’attendent que vous.